Le Carnaval mort de Montorio al Vomano, village populeux situé dans une zone collinaire près du fleuve Vomano, aux pieds de la montagne, est un rite célébrant la fin du Carnaval – et sa mort artistiquement représentée – le Mercredi des Cendres, pendant la période du Carême.

La communauté participe à la cérémonie funèbre, ouverte la veille et se concluant par les obsèques solennelles célébrées sur une estrade aménagée dans la place principale du village. La cérémonie, interprétée par les habitants du lieu, est aujourd’hui conçue comme une véritable action scénique coordonnée par un directeur artistique et acteur, Vincenzo Macedone.

La veuve désespérée, l’archiprêtre et la fanfare rythment les phases du rituel ; dans son cercueil, le Carnaval Mort est interprété par une personne bien réelle qui est la cible de sarcasmes et de dialogues dérisoires improvisés sur le moment, par rapport à un canevas ainsi qu’aux événements qui se sont produits au cours de l’année, tout en étant librement exprimés et organisés par les participants de la représentation.

Résultat d’une longue évolution commencée pendant la seconde moitié du XVIe siècle, lors de l’émergence de la Réforme et de la Contre-réforme et la tentative généralisée d’abolir, de contenir ou de modifier certaines dramatisations et formes festives particulièrement licencieuses et subversives, les rituels célébrant la mort du Carnaval en Europe sont largement attestés encore aujourd’hui, comme le démontrent les recherches approfondies menées notamment par l’anthropologue Giovanni Kezich et son équipe au cours de la dernière décennie.

Des procès, des condamnations à mort et des funérailles, ainsi que des pantomimes funèbres et des fantoches brûlés sont largement répandus même en Italie, et accompagnent partout les grandes célébrations et les danses des jours canoniques du dimanche, du lundi et du mardi gras.

À Reggello, dans le Valdarno, à Marroneto, en province de Grosseto, à Amalfi, dans le golfe de Salerne, le Carnaval mort était ou est incarné par une personne choisie parmi les habitants du lieu, selon un modèle omniprésent dans les régions du centre-sud de la Péninsule. Ne sont pas rares, néanmoins, les substitutions rituelles de l’interprète en chair et en os par le fantoche de chiffons et paille lors des condamnations et des funérailles symboliques qui accompagnaient l’exécution de la sentence.

Peu loin de Montorio, à Intermesoli, dans la haute vallée du Vomano, le Carnaval était interprété par un villageois, jugé et condamné, gavé de nourriture jusqu’à ce qu’il se sente mal, puis remplacé par un fantoche et brûlé. Les origines du rituel joué à Montorio, d’après les témoignages un peu vagues collectés sur place, remonteraient aux années 20 du XXème siècle, lorsqu’un groupe d’étudiants locaux inscrits à l’Université de Naples aurait importé cette tradition après l’avoir observée dans quelques villages de la Campanie, par opposition au régime fasciste qui l’interdirait quelques années plus tard.

Le Carnaval mort, représenté par un fantoche, était transporté dans un cercueil dans les rues du village ; à la fin du cortège il était jeté dans le fleuve Vomano, près de la petite église de la Vierge du Pont. On ne sait pas trop si le simulacre a été remplacé par une personne vivante, ou si les deux éléments, comme il est largement attesté ailleurs, étaient présents tous deux et si, au fil du temps, seule l’utilisation du fantoche est tombée en désuétude. La dramatisation funèbre met en scène la dénonciation sociale et le renversement du pouvoir constitué et des conventions sociales. À la fin de la soirée, revenue à la case départ, la procession funéraire se disperse ; Carnaval est déclaré enseveli et Carême, jouant le rôle de la veuve survécue, ratifie son triomphe en introduisant la communauté dans la période pascale de renonciation et d’abstention.